♦ CHASE & HUNTER

La nuit.. Le moment que Hunter détestait le plus. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’était à ce moment là que les souvenirs décidaient de venir le hanter. Ce soir-là, il avait revu la scène qui s’était déroulée sous ses yeux, la dernière fois où il avait eu l’occasion de voir son frère jumeau. Il avait tenté de le sauver, mais n’y était pas parvenu. Comment vivre avec un tel fardeau sur ses épaules, surtout quand votre sœur vous rejette, et que vos parents ont fait plus ou moins la même chose au début ? Le jeune homme était envahi par ses souvenirs douloureux et nostalgiques, chaque soir et ce n’était surement pas près de changer, mais là, c’était pire. En effet, la veille, il avait décidé de se confier à Jude. En fait, elle lui avait demandé ce qu’il s’était précisément passé avec son frère jumeau et Sasha, et il lui avait tout révéler. Ces derniers temps, il était plus mal que jamais, allez savoir pourquoi il y a des moments où les souvenirs se font plus forts que d’autres, où ils vous habitent et vous font souffrir, comme si quoi que vous fassiez, vous n’arriveriez pas à les combattre. C’était le cas. Il avait beau boire de l’alcool, même saoul il y pensait. Pareil pour la drogue. Même en faisant du sport. Dieu merci, pas quand il couchait avec une fille ! C’était son seul échappatoire, et c’était pour cette raison qu’il enchainait les conquêtes le soir. Pour ne pas être seul avec ses souvenirs. La solitude lui faisait quelque peu peur, c’était vrai, et le passé aussi, quoi que celui-là faisait plus mal qu’autre chose… Tous ses souvenirs du passé, ses moments heureux qu’il avait partagé avec son frère, ses moments de tensions, et ce jour-là, celui du naufrage, n’avaient cessé de passer en boucle dans sa tête, l’empêchant ainsi de fermer l’œil, ne serait-ce qu’une minute. Il commençait à avoir pris l’habitude des soirs comme ça, et il n’y avait rien à faire pour se changer les idées. Il fallait attendre que ça passe. Lire un peu ? Nullement efficace, il n’arrivait pas à se concentrer assez sur l’histoire… C’est pour cette raison qu’il demeura étendu sur son lit, à attendre que le temps passe, et les souvenirs aussi, regardant de temps en temps ses deux colocataires dormir d’un air paisible. Qu’ils avaient de la chance ces deux ! Oui, bien sûr qu’il les enviait à ce moment précis. Ils avaient sans doute leurs soucis, après tout, ils n’étaient pas ici pour rien, mais sans doute n’avaient-il pas la même envergure que les siens…

Le matin était finalement arrivé, plutôt vite d’ailleurs, et c’était tant mieux ! Dès le soleil levé, le jeune homme s’empressa d’aller faire un tour, prenant soin d’enfiler un pantalon de jogging noir, et un débardeur blanc. Dehors il faisait bon, comme chez lui, un après midi d’été. Et pourtant, il n’était que six heures trente du matin. C’était d’ailleurs la première fois qu’il sortait de sa chambre aussi tôt, ce qui l’étonna, et étonnerait surement la plupart des éducateurs, professionnels ou non, ici. Pourvu que personne ne le voit, ce n’était sérieusement pas le moment de lui faire la remarque et de le provoquer. Car oui, quand monsieur ne dort pas, il est très très très irritable, et mieux vaut ne pas lui chercher des noises ! Enfin ce n’est que mon avis de narratrice.. Hunter avait prit dans ses affaires son paquet de cigarette bien caché. Car oui, on ne sait jamais, les cigarettes pouvaient être interdites aussi… D’ailleurs tout le monde faisait comme ça. Déjà que les téléphones portables, Ipod, et autres outils technologiques ont été confisqués… Le jeune homme se promena un peu aux alentours du camp, de façon à ne pas être trop loin, ni trop près, et alluma sa cigarette, inspirant et expirant les bouffées les unes après les autres, en fermant les yeux, et en se disant que fumer fait drôlement de bien ! Surtout quand vous n’avez l’occasion de fumer qu’une à deux cigarette par.. Semaine ! Alors que vous en fumiez près d’une dizaine par jour ! C’est sûr que le changement est radical, et donc, les retrouvailles n’en sont que plus merveilleuses. Tout en fumant, le jeune homme essayait d’évacuer ses souvenirs, de penser à autre chose, de se changer les idées, mais cela ne fonctionnait pas vraiment. Après avoir fumé, il se rendit directement dans la salle de bain pour aller se brosser les dents, histoire que personne ne sente qu’il ai fumé. Les ennuis, il connaissait, en fait, il les cherchait, pensant que s’il arrivait à rendre fous les éducateurs, ils le renverrait chez lui, tout simplement, ayant fait ce qu’ils pouvaient - ou pas. Mais jusque là, cela n’avait pas marché. Hunter mangea deux trois cochonneries qu’il avait mis de côté, des petits gâteaux fournis en guise de dessert aux repas. Les mettre de côté n’étaient pas bête, au moins, il pouvait en manger quand il voulait, comme maintenant. Après avoir mangé, ne il prit un livre et alla s’installer au salon pour lire un peu tranquillement. Quand tout le monde commença à se lever, le jeune homme, lui, monta dans sa chambre et y déposa le livre qu’il avait lu. Qu’allait-il faire maintenant ? Rien. Le jeune homme s’allongea sur son lit pendant un moment, ne prêtant aucune attention à l’heure, et n’alla pas diner, n’alla pas faire d’activités ni rien. Il resta étendu sur son lit, fixant le plafond, les bras sous la tête.

Arriva un moment où il en avait marre de rester assis là à ne rien faire. Il avait besoin de se défouler, vraiment. Car ses souvenirs étaient toujours encrées là, et ne se décidaient pas à partir. Le jeune homme décida d’aller retrouver le seul adulte du camp avec qui il se sentait bien, le seul qui le mettait en confiance. Celui qu’il considérait comme un frère, et que Harvey aurait sans doute adoré s’il était encore de ce monde. Nul doute qu’il était en train de boxer ou de faire n’importe quel autre sport. C’était sans doute son refuge à lui. Ni d’une ni de deux, le jeune homme alla donc retrouver Chase là où il était certain qu’il se trouvait. Et ce fut le cas. Il était bien là en train de boxer, quoi qu’il s’accordait une pause à cet instant. Lorsque Chase le vit, il lui lança une réplique qui d’habitude faisait sourire le jeune homme, le comparant à une fille. Qui aime bien châtie bien, non ? Normalement il aurait sourit, ou rit, mais là… Non, il ne pouvait pas. Chase lui tendit le poing pour qu’il le check, mais encore une fois le cœur n’y était pas. À la place, Hunter donna un coup de poing direct sur le punching ball, mais cela ne le soulagea pas encore. Peut-être qu’avec un entrainement intensif il réussirait à faire le vide ?

HUNTER ▬ Faut que j’me vide la tête. Ses souvenirs… Ses put*ns de souvenirs me hantent. Tu saurais peut être m’aider toi, t’as du temps à m’accorder ou je te dérange ?

♦ CHASE & HUNTER

Un animal. Oui, c’est ce qu’il était devenu. Un animal sauvage, indomptable et féroce par moments. Un prédateur chassant ses proies, sans arrêt, s’en nourrissant un moment, puis en cherchant une autre le lendemain venu, et ainsi de suite. Le jeune homme, depuis déjà quelques années, avait enchainé les conquêtes d’une nuit, en général, bien que parfois il revoyait la même fille quelques jours. Proie sur proie, fille sur fille, il avait adopté ce train de rythme, espérant oublier le Hunter qu’il était alors, quelqu’un de plutôt «  bien », bien qu’adolescent, et oublier par là même, son frère jumeau décédé. Il était conscient, par comme certains adolescents ici au camp, que son comportement était du au choc que la mort de son frère jumeau avait suscitée en lui. Il ne savait simplement pas comment y faire face. Bien que son mode de vie actuel ne l’aide en rien, il n’était pas décidé à le laisser tomber. Non, pas maintenant. Les filles découvriraient qu’en fait, il est sensible et tout autres adjectif s’y rapportant, au fond. Cela ne lui plairait pas. Puis, ces filles, elles étaient - pour certaines seulement - de bonne compagnie, alors autant en profiter un peu plus non ? Après tout, un animal sauvage ne se transformait pas en animal domestique du jour au lendemain. Il lui avait déjà fallu un moment pour que ce prédateur, ce fauve, qu’il était devenu prenne assez d’ampleur et d’assurance pour faire ses preuves. Hunter était énervé à cause de la nuit qu’il venait de passer, et il avait que l’animal en lui tournait dans sa cage, faisant les cent pas, attendant patiemment que celui d’en face baisse sa garde, pour lui sauter au coup. La réponse de Chase à la question du jeune homme ne se fit pas attendre, et elle était positive, ce qui rassura quelque peu Hunter, qui n’avait pas réfléchit à une deuxième option si le contraire s’était produit. Qu’aurait-il fait - mis à part des conneries toutes plus bêtes les unes que les autres ? Lorsque Chase lui donna un aperçu du programme d’aujourd’hui, Hunter se contenta de hocher la tête en guise de réponse. Tout lui allait de toute façon, du moment qu’il sortait tout ce qu’il avait en lui, ce volcan presque en ébullition, qui n’attendait plus que ça, sortir sans pour autant y parvenir seul. Chase lui proposa d’abord de débuter par une série au sac, ce qui l’arrangeait bien. Là, sa colère - face à ses souvenirs qui reviennent sans arrêt - ainsi que sa douleur, pourraient être évacués vite fait bien fait. Il se défoulerait comme jamais contre ce pauvre petit sac, qui malheureusement ne lui avait rien fait, et cela lui ferrait du bien. Il lâcherait prise, au moins le temps de cet entrainement.

Chase tendit à Hunter l’équipement nécessaire, que celui-ci mit en vitesse, prêt à se donner à fond, sautillant déjà un peu, comme un vrai boxeur juste avant un combat. Une vraie bombe à retardement ce Hunter. En tout cas, en ce moment. Bien sûr, frapper un sac ne l’aiderait en rien pour passer à autre chose, et apprendre à vivre avec, mais cela l’aiderait surement à mieux canaliser tout ça, et à reprendre le dessus sur son passé. Depuis des années, ils avaient entamés une guerre tout les deux. La plupart du temps, son passé gagnait, haut la main. Mais depuis qu’il était au camp, Hunter devait reconnaitre qu’il avait non seulement envie, mais aussi la capacité de se donner les moyens pour vaincre l’ennemi. Le fait de raconter tout ça aussi l’avait aidé. Et il en parlerait sans doute à Chase après s’être défoulé, car Chase était souvent de bon conseil, et il était plus mature et âgé que les ados du camp, qui eux ne pouvaient rien pour lui. Mais en aucun cas, il n’irait se confier à Boyd, celle qui avait eu l’idée de ce camp à la noix. Ecoutant bien les instructions de Chase, Hunter hocha la tête avant de martyriser ce pauvre sac qui ne lui avait rien fait de mal. Direct avant ! Coup de pied avant direct ! Trois coup ! Bam ! Bam ! Baaaam ! Et on recommence ! Tout en continuant à se défouler, Hunter ouvrit la bouche pour parler.

HUNTER ▬ Merci. Tu sais c’est sympa ce que tu fais pour moi, et pour les autres. T’es pas un éducateur toi, plus un frère, quelqu’un de confiance quoi. Enfin tu vois, non ?

Chase s’éloigna en le laissant se défouler comme jamais, vidant son esprit de ses pensées douloureuses, et de ses souvenirs qui le hantent. Chase venait d’allumer la musique. C’était encore mieux de se défouler en musique, donnant des coups au rythme de la chanson qui passait, en se prenant presque pour Rocky. Tiens, cette musique serrait sympa pour boxer un peu. Il lui ferrait sans doute la suggestion plus tard, pensa-t-il, un sourire affiché sur ses lèvres. Tandis que Chase commença à chanter, Hunter lui, continuait à donner des coups sur le sac, se concentrant sur la rapidité des coups, et leurs force. Son passé avait à présent remplacé dans son esprit le sac qu’il ruait de coup, tout en suivant les instructions de Chase bien sûr. Cette fois, c’est lui qui gagnerait la bataille, peut être pas encore la guerre, mais c’était déjà pas mal.

HUNTER ▬ Tu sais que j’avais un frère jumeau hein, j’pense que je te l’ai déjà dis, mais sans t’en parler plus que ça. Il est mort le jour qui était sensé être le plus beau dans notre vie, celui où on allait réalisé notre rêve tout les deux. Le Titanic, voilà ce qu’on a vécu. Mais, Harvey ne savait pas nager. Je l’ai pourtant aidé, mais d’un seul coup on m’est rentré dedans, et je l’ai lâché. Je regrette. J’aurais pas du. Si seulement.. Il serait toujours là… Puis il avait du le sentir, il me disait au revoir cet idiot ! Et je n’ai fait que lui dire qu’il était stupide de dire ça. Et merde quoi ! dit-il en frappant le sac plus fort.

♦ CHASE & HUNTER

Depuis le naufrage, Hunter n’avait en effet cessé de se reprocher la mort de son frère. Le fait que ses parents et sa sœur lui fasse comprendre qu’eux aussi la lui reprochant n’avait aidé en rien face à son sentiment de culpabilité. Oui, c’est vrai que c’était toujours comme ça. Fût un temps où il avait imaginé des centaines d’autres scénarios possibles. Il aurait tout fait différemment, et bien sûr, tout aurait bien finit. Mais le destin était une chose incontrôlable, intouchable, impalpable, invisible. Le jeune homme y croyait, oui. Selon lui, nos vies étaient déjà toutes tracées, et on avait cas la suivre, même si on était persuadé, au fond, que nos choix ne dépendaient que de nous-mêmes. Tout le monde connait le mythe d’Hercule, n’est-ce pas ? Et je suis prête à parier que lorsqu’on vous parle d’Hercules, vous pensez au dessin animé. Soit. Vous vous rappelez alors des trois Parques, ou Moires, comme vous voudrez, qui décident du destin de chacun. L’une tient le fil des destinées humaines, l’autre met le fil sur le fuseau, et la dernière s’occupe de couper le fil, quand la fin est proche. Il faut croire que les Parques en avaient décidé ainsi quant à la vie de son frère jumeau… Au final, personne n’avait de contrôle sur sa vie, si ce n’est elles. Oui, le jeune homme aimait à croire que c’était vrai. Allez savoir pourquoi, la mythologie grecque l’avait quelques peu séduits – sans doute à cause du dessin animé d’Hercules qu’il regardait sans arrêt étant plus jeune, se prenant par la suite pour le héros auprès de sa famille. Le petit garçon de l’époque gonflait son torse, et se la jouait gros bras. Scène plutôt hilarante à voir en fin de compte. Toujours était-il que les trois Moires en avaient décidé ainsi. Elles les avaient séparés, et avaient brisé le jeune homme du plus profond de son être. Comment continuer à vivre lorsque son double, sa moitié, son autre, ne faisait plus partie de ce monde ? Comment vivre avec ça, la perte d’une moitié de soi, de son âme. Comment pouvoir se regarder dans la glace lorsqu’on sait que l’autre, identique, n’est plus de ce monde, sans ressentir cette culpabilité insoutenable ? Hunter n’avait pas encore trouvé la réponse, et c’est pour essayer de la trouver qu’il était venu vers Chase, en plus de se défouler. Car oui, Chase était à ses yeux, un mentor, un modèle, une sorte de gourou, de vois de la sagesse, un sage. Il avait toujours le mot juste, et ne disait rien qui soit dénué de sens.

Celui qu’il considérait comme son frère l’avait accueilli à bras ouverts dans ce qu’on pourrait appeler son antre, le lieu où il devait passer la majeure partie de son temps. Oui, Hunter avait besoin d’aide, il le savait, depuis un moment en fait, voyant qu’il n’arrivait pas à gérer ça tout seul, mais il n’avait jamais su où le chercher. Maintenant, grâce à ce camp – et ça le tuait presque de reconnaitre qu’il lui était redevable – il savait où aller chercher du soutien ; de l’aide, et du réconfort. Chase. C’était bien le seul adulte ici auquel il pouvait et avait envie de se confier. Peut-être était-ce du au peu de différence d’âge qu’il y avait entre eux. Allez savoir. Toujours était-il qu’en compagnie de Chase, le jeune homme se sentait en confiance. Il savait qu’il pourrait tout lui dire sans que celui-ci ne le juge, même si les mots n’avaient pas toujours une grande facilité à sortir. Hunter était donc entré et avait demandé à Chase s’il ne dérangeait ou non, car il avait un grand besoin de se défouler. Heureusement que le jeune homme n’était pas de nature violente, sans quoi tout les autres adolescents du camp se serraient sans doute retrouver à l’hôpital, bien que j’exagère un peu. Cela dit, il y avait des moments où son esprit était incontrôlable, et si, jusque là, il n’avait jamais vraiment frappé quelqu’un, bien que l’envie ne lui ai pas manqué plus d’une fois, personne n’était à l’abri. Oui, un animal sommeillait en lui, comme dans chacun de nous d’ailleurs, et ses souvenirs douloureux et cette culpabilité, grandissante de jours en jours, l’avait réveillé. Indomptable comme un fauve, voilà ce qu’il était devenu à présent. Et blessé comme une proie. Au fond, il était la proie de ses souvenirs, de son passé. Lui qui s’amusait à dire que ses conquêtes étaient en fait ses proies, il s’abstiendrait la prochaine fois.

Le jeune homme s’était défoulé contre le sac, suivant à la lettre les indications de son ainé. Oui, il avait eu un grand besoin, et urgent, d’évacuer tout ça. En général, il n’avait pas tant à sortir de lui, mais là, cette nuit blanche l’avait mis sans dessus dessous. Patraque, voilà comment il se sentait. Faible, prêt à craquer à chaque instant. S’il s’était retrouvé seul, à l’abri des regards, nul doute qu’il aurait pleuré. Oui, même Hunter pouvait pleurer ! Cela surprend autant ? Après tout, il restait un être humain, doté de sentiments, de souffrances, etc.… Il avait retranscrit tout ça à travers ses coups, et le sac s’en était prit plein la figure. Encore un peu et il aurait été capable de l’envoyer valser à l’autre bout de la pièce, même si ce n’était pas son but premier. Libre. Voilà comment il voulait se sentir. Apaisé aussi, mais pour le moment ce n’était pas le cas. Ses souvenirs lui pesaient trop, et le jeune homme décida alors de se confier. Pour une fois, les mots étaient sortis tous seuls, sans qu’il ne puisse même s’en rendre vraiment compte. Les uns après les autres, ils avaient formé une phrase, puis deux, et ainsi de suite. Phrases qui elles-mêmes ont formé une histoire, celle d’Hunter et celle de son frère jumeau. Pourquoi lui était-il toujours là ? Telle était la question qui ne cessait de le tourmenter chaque soir, lorsqu’il pensait à Harvey. Dès lors que Chase ouvrit la bouche, Hunter s’immobilisa, et si avant, il avait cherché à fuir son regard, quelque peu honteux de se confier de la sorte, à présent, il ne le quittait plus des yeux, concentré sur chaque mot qui sortait de sa bouche.

HUNTER ▬ Oui, je sais bien que je n’aurais rien pu faire d’autres pour le sauver, je crois au destin, et il en a voulu ainsi. Mais c’est tellement injuste. Pourquoi lui et pas moi ? Mais comment profiter de la vie sachant que l’autre partie de toi n’est plus de ce monde. Tu vois, on dit que les jumeaux partagent un truc, et je crois que c’est vrai. J’ai l’impression qu’une partie de moi est morte avec lui, et qu’une partie de lui est toujours avec moi. Ça me tue… Je crois que j’aurais préféré que ça ne soit pas le cas. C’est peut être inhumain, cruel ou je ne sais quoi de dire ça, mais ça me ronge tu vois ? Ce n’était pas simplement mon frère, c’était mon autre, tu vois ce que je veux dire ? Et le fait qu’il soit toujours là, que j’ai l’impression de le sentir à mes côtés, ça m’aide pas à aller de l’avant, au contraire ça me rappelle qu’il n’est plus vraiment là…

Hunter venait de lancer un SOS, un cri de détresse. Il n’avait jamais dit à quiconque qu’il avait l’impression que Harvey était toujours prêt de lui. Parfois, il avait l’impression d’entendre sa voix à la place de sa conscience intérieure, vous savez, cette petite voix que vous entendez indirectement, qui vous dit que non, il ne vaut mieux pas faire ceci ou cela, ou que oui, il fallait se lancer, et ne plus hésiter. De temps en temps, Hunter se demandait même s’il n’était pas fou. Il n’avait pas réussi à parler étant plus jeune à la psychologue qui l’avait déjà pris en charge lorsque son grand père, son homonyme, et l’une des personnes les plus proches de lui, était décédé. La pauvre. En y repensant, il avait du la rendre folle cette pauvre femme. Elle avait tout tenté, désespérément, mais n’avait rien pu tirer du jeune homme. Son malheur, il l’avait gardé pour lui. Peut-être aurait-il du se confier dès le début. Après tout, c’était son job, elle aurait pu l’aider non ? Mais c’était trop récent, il n’avait pas encore dirigé le naufrage et la mort d’une partie de lui. Au fond, son changement de comportement était normal. Il n’avait jamais été comme ça, et celui qu’il était vraiment était mort avec son frère, dans cet océan, avec des centaines, voir plus, d’autres vies…

♦ CHASE & HUNTER

Le Titanic, un film vraiment culte, que beaucoup adore pour son côté romantique. Pourtant, il s’agit d’une réelle tragédie, qui a bel et bien eu lieu. Le naufrage du bateau sur lequel se trouvaient les jumeaux Bishop était une tragédie aussi. Qui aurait crut qu’un jour ils allaient devoir vivre ça ? D’ailleurs, depuis ce moment, Hunt’ avait quelques réticences à regarder ce film, et à aller se baigner également. Une piscine ? Aucun problème ! La mer… C’était une autre histoire ! Mais il n’avait heureusement jamais eu l’occasion d’aller se baigner dans la mer depuis le naufrage, et c’était tant mieux. Il n’était pas sûr d’avoir la force de retourner dans l’eau, sans avoir l’impression de ressentir l’âme, et le cadavre de son frère non loin, quelque part sous l’eau… Oui, Harvey ne l’avait jamais quitté. Il avait toujours continué à faire partie de lui d’une certaine façon, comme il l’avait confié à Chase, il avait l’impression de le sentir près de lui, comme un fantôme. Oui c’était ça. Un fantôme ne le quittant pas, et se tenant de temps en temps à ses côtés, l’influençant dans tel ou tel choix, ce qui était vraiment perturbant au fond… Comment vivre avec les fantômes de son passé ? Cette expression venait à présent de prendre tout son sens pour le jeune homme. Oui, son frère faisait partie du passé. C’était triste à dire, mais il ne pouvait en être autrement. Au fond, il n’avait pas encore fait son deuil, c’était visible, mais comment se résoudre à abandonner, à laisser partir l’autre partie de soi-même, celui pour lequel vous serriez prêt à tout, y compris donné votre propre vie ? Peut-être qu’au fond, c’était Hunter lui-même qui ne voulait pas oublier son frère, et se recassait les moments du naufrage, les adieux, pour ne jamais oublier ses paroles auxquelles il n’avait pas attaché plus d’importance que cela lorsqu’elles avaient été prononcées par son défunt frère. Bien sûr que sur le moment il n’avait pas osé penser une seule seconde que ses paroles allaient être les dernières, pour de vrai. Il ne voulait pas y croire et espérait qu’ils allaient s’en sortir tout les deux, et que tout rentrerait dans la norme peu de temps après, bien qu’ils auraient été tout de même marqués au fer rouge par cet évènement. Seulement là, Hunt’ avait été tout seul à affronter tout cela… Tout était différent. Il avait du affronter ça comme un grand, seul face à ses parents et sa sœur. Sasha ne pouvait même plus le regarder en face, et lui qui attachait une importance si grande à la famille, et qui avait d’abord imaginé qu’elle pourrait l’aider à dépasser tout ça, à en parler, à aller mieux, s’était senti perdu, étranger dans sa propre famille, et désarmé. Faible. Oui. Il n’avait pas su comment se défendre, comment faire en sorte de vaincre tout cela. Au final, il s’était simplement laissé envahir par cet évènement et toutes les sensations, tous les sentiments que ce naufrage avait engendrés en lui, se perdant alors et devant quelqu’un d’autre. Un Hunter stupide, comme tout la plupart des autres garçons. Quelqu’un qui collectionnait les femmes, les proies, d’une nuit, pour ensuite les larguer comme des vieilles chaussettes, et continuer sa chasse. Au fond, il avait tellement peur que s’il s’attachait à quelqu’un, pour de vrai, purement et sincèrement, cette personne finisse par s’en aller, par mourir, par aller mal à cause de lui. Au camp, il s’était fait des amis, mais restait tout de même assez méfiant, après tout, tout le monde venait d’un peu partout dans le monde, et au final, il n’y avait que peu de chances qu’ils restent tous en contact après cette aventure humaine…

Une aventure humaine. Oui, c’était ça. Hunter commençait à se rendre compte de l’effet que le camp pouvait avoir sur lui, sur eux tous d’ailleurs. Ils étaient éloignés de toute la superficialité de la civilisation dans laquelle ils vivaient. Cette société de consommation, voir d’hyperconsommation même. Tout n’était que futilité. Ici, ils vivaient de manière plus simple, mais malgré tout, ces gens étaient heureux. Bien sûr, ils avaient leur problèmes, pas les mêmes qu’à New York, par exemple, l’Afrique n’ayant que de très minces chances d’être touché par un attentat terroriste, même si rien n’était exclu de nos jours. Ils avaient d’autres soucis, comme la subvention de leurs besoins, l’institution, les sanitaires. Des choses que lui avait eues sans aucun souci. Non, il n’avait jamais connu ce que c’était que de devoir chauffer de l’eau avant d’aller se laver. Non, il n’avait jamais su ce que cela faisait que de se retrouver avec plusieurs autres élèves, coincés dans un petit local qui faisait office d’école, avec du matériel pour ne serait-ce qu’un quart d’entre eux. Leurs vies, là bas, chez eux, avait été bien plus facile que celle de ces pauvres gens ici. Eux aussi devaient affronter la mort d’un proche, et souvent sous d’horribles conditions, puisqu’ils ne disposaient pas des médicaments et sanitaires nécessaires pour sauver des vies. Oui, même s’il refusait encore de l’avouer à haute voix, Hunter commençait à voir sérieusement l’utilité de ce camp. Etait-il le seul ? D’ailleurs, c’était sans doute pour ça qu’il avait osé et réussi à se confier à Chase. Certes, ce n’était pas n’importe qui à ses yeux. Une personne de confiance, un grand frère oui. Le frère qui lui manquait tant… Non, bien sûr qu’il ne pourrait jamais remplacer Harvey, et ce n’était pas son intention, mais il se sentait proche et complice avec Chase. C’était ça le petit truc en plus qu’il y avait entre eux et qu’il n’y avait avec aucun autre éducateur ici présent. Voilà pourquoi c’était à lui qu’il avait décidé de se confier. Il lui avait fait part de ses sentiments les plus profonds quand à sa détresse, ses sentiments confus et douloureux. Sentiments qu’il n’avait jamais évoqué jusqu’alors, avec quiconque. Chase était le premier à savoir cela. Mais il avait ce on ne savait quoi qui vous mettait en confiance, et il vous écoutait, attentivement, sincèrement, se souciait de votre état d’esprit. C’était ça, sans doute le petit plus. Lui tenait réellement aux personnes qu’ils fréquentaient ici. Il avait établi avec Hunter, entre autre, au fil du temps, une certaine complicité, et sans celle-ci, le jeune homme ne se serrait probablement jamais confié. Cela lui avait demandé un effort surhumain mine de rien, de parler de tout ça. De ses impressions de fantôme, de revivre le naufrage mentalement, comme à chaque fois qu’il en parlait. Il l’avait déjà évoqué, et plus d’une fois. Avec sa famille, lorsqu’il avait du passer une sorte d’entretien pou entrer au camp, à Jude aussi, ou à Helori. Bref, ce n’était pas la première fois, mais les images avaient tendances à remontées à la surface, tout comme le fantôme de son frère jumeau, dès qu’il commençait son récit. Imaginez-vous revivre des dizaines de fois, voire plus, le même cauchemar, sans jamais pouvoir en trouver la fin heureuse : le réveil. On le forçait à tout revivre à chaque instant, mais il avait prit sur lui, par lui-même ne savait quel élan de courage. Peut-être serait-ce bientôt la fin de tout ça ? Peut-être serait-il prochainement libéré de ce poids qui lui pesait si lourd sur la conscience, alors que rien n’était de sa faute.

Chase, celui qu’il considérait comme un frère l’avait écouté attentivement, sans l’interrompre. C’était ça qui faisait toute la différence, comme dit précédemment. Il accordait son temps à des gens qu’il venait de connaitre il y a peu, mais pourtant, le jeune homme avait l’impression de le connaitre depuis toujours. Puis, une fois qu’Hunter eu finit de déballer son sac, de lui dire ce qu’il ressentait au plus profond de lui, ou tout du moins d’essayer de l’exprimer, Chase lui enleva ses gants de boxe avant même qu’Hunter aie eu le temps de dire « Waka ». Les deux seuls mots qui sortirent de la bouche de son éducateur furent « frappe-moi », ce qui étonna Hunter qui en restait bouchée bée. Non, il n’en était pas question ! Sans gant, sans rien, ce n’était pas son genre ! Il préférait se défouler sur le sac qui ne lui avait rien fait, même si Chase ne lui avait rien fait lui non plus. Ce n’était pas juste ! Non, il n’allait pas le frapper ! Imaginez que quelqu’un passe par-là et voit la scène ! Il aurait encore des ennuis ! Et puis, il n’en ressentait pas le besoin. Il avait assez torturé ce pauvre petit sac, évacuant sa colère, sa rage, quant à son passé qui le hantait, maintenant, il était en train de sortir sa détresse, et il ne comptait pas frapper Chase. Hors de question. Tant pis si les yeux de l’éducateur lui ordonnait de le faire, il ne le ferrait pas.

HUNTER ▬ Non, j’ai pas envie de te frapper ! J’ai frappé un pauvre petit sac qui m’a rien fait ! Et toi tu m’aides, tu m’écoutes, et je devrais te frapper aussi ? Tu sais, juste le fait que tu prennes le temps de m’écouter ça m’aide déjà. Parce que j’ai l’impression que tu t’en fiche pas totalement de ce que je te raconte quoi. Enfin tu vois, non ? Juste le fait que tu m’écoutes c’est déjà énorme ! T’es le premier à qui j’ai parlé de ce que je ressentais vraiment face à tout ça, et tu m’aides rien qu’en étant là. Puis j’préfère frapper ce petit sac je crois, avec lui je suis sûr que je ne recevrais pas les coups en retour, dit-il en affichant un petit sourire sur son visage. J’préfère qu’on fasse du sport jusqu’à ce que je tome par terre d’épuisement pour libérer tout ça. Un bon programme quoi, ajouta-t-il.

C’était vrai. Le simple fait que Chase soit là pour l’écouter, et le fasse d’une oreille on ne peu plus attentive l’avait déjà beaucoup aidé. Mais en plus lorsqu’il avait essayé de lui faire comprendre certaines choses en ouvrant la bouche un peu plus tôt, le jeune homme n’aurait jamais pensé que de telles paroles pourraient l’aider. Il lui avait parlé de sa vie à lui, enfin celle de son père, mais c’était lié à son propre vécu. Au fond, il se sentait un peu mieux, mais le deuil n’allait pas se faire comme ça. Il allait devoir oublier cette petite voix dans sa tête qui tantôt lui répétait le discours d’adieu de son jumeau dans ses cauchemars, tantôt c’était sa voix qu’il entendait prenant en quelque sorte la place de conscience. Tout cela allait être compliqué et difficile, il le savait. Mais il n’avait pas le choix. Il se rendait enfin compte qu’il était temps de redevenir lui, pour honorer son frère, qui au fond, serrait déçu de voir celui qu’il était devenu aujourd’hui. Un tout autre Hunter. Un étranger à son propre corps…